Ecrits sur l’artiste
Peinture et Sensuel. L’œuvre de LIMAN
Texte extrait des écrits de Christian Bonnet
… Il en est de la peinture de LIMAN comme de ce qui précède, elle est un accès polymorphe à d’éminentes catégories du sensuel dont le visuel et le tactile ne sont pas les moindres.
Il en est de la matière des œuvres de LIMAN comme des stimulus attachés aux pulsions, elle permet d’en extraire le suc sensuel.
Envisageons le sous l’angle des correspondances Baudelairienne entre catégories sensuelles, ce qui revient à dire à l’instar du poème que les sons, les couleurs, mais aussi les formes, les saveurs, les éclats et les parfums s’y répondent.
Insistons encore, la netteté du travail pictural des années 80 va vers le déploiement et l’appréhension polymorphe des catégories du sensuel qui composent ses couleurs, ses lumières et la chair de ses compositions.
Avec les grands formats colorés apparaissent des trames aux pigments et lunules polychromes, de concert on observe avec violence une mise en réserve des effets de formes et de cernages par le trait ou les figures, et cela au profit du soulignement du travail de la couleur, sur la couleur.
Là se situe notre assignation du terme de peintre polymorphe, à s’être débarrassé aussi bien des rares ombres de la figuration et à éloigner même de ses abstractions le trait comme la forme, on voit poindre des couleurs, des reflets, des constellations, des agrégats, des flux, des matières, des liquides pigmentés.
La couleur, les couleurs de LIMAN trament ses toiles en ce qu’elles ne se réservent pas l’unicité d’un espace sous forme d’un aplat simple et franc ; ses couleurs trament la toile patiemment en un maillage d’organisation cellulaires qui s’agence et se lient, se séparent et se constituent comme la matière même du tableau, à la fois ordonnées par sa main et son regard mais aussi fruit d’une vertigineuse poussée structurée par un au delà de la volonté. Son œil existerait-il à l’état sauvage comme en la formule surréaliste ?
LIMAN agit et appose chacune de ses lunules de couleur et pourtant chacune d’elles semblent lui échapper et constituer des détours inattendus, particules phosphènes en elles se situe le rapport net du scopique et du tactile en LIMAN.
La correspondance Baudelairienne est ici marquée et définissable : la peinture stimulation visuelle ordonne aussi un lien au tactile.
Reprenons, l’implication du scopique vient de l’évidence de la matière colorée, des pigments, des éclats, de la réfraction des échos en prisme des toiles. Les peintures de LIMAN se meuvent sous les feux du jour comme du nocturne et ses trames colorées sont incessamment changeantes a nos perceptions. Mais ces prismes sont forgés de ses mains, le travail à même la toile est un travail de mise en vibration de la matière, de la pâte. Ainsi peut-on proposer que la genèse des toiles comme une part de leurs effets sont tactiles, quoique liés par l’illusion du scopique.
La genèse donc des toiles est tactile au sens fort du terme, car LIMAN œuvre de chair, à même la peau et les mains, il s’applique, et est sa matière colorée. Le tableau est donc conçu et lié par la chair et le tactile.
Pour se faire l’écho du travail plus récent, nous avions proposé autour de quelques toiles des fragments de phrases sur : « les plaies ensablées de couleurs de LIMAN » formule à l’incertaine métaphore qui situait pour nous ce qui déjà et d’évidence de ses toiles se devaient à la chair et en quoi les fragments abrasés et rugueux de l’une procédaient et se convertissaient en couleur et lumière…
…Il n’y aurait qu’un pas pour proposer que les toiles de LIMAN soient une invite à une écriture poétisée et automatique, ce qui la soude tant au principes de l’association libre qu’aux exigences d’un surréalisme débridé.
La peinture de LIMAN ne parle pas, ne dis pas, ne représente pas, ne se fige pas en une communication univoque ; au contraire, polysémique, réfractée, changeante, tramée elle est matière sensualisée, sensualisante qui approche ce que la poussée d’éros, c’est à dire les pulsions partielles, génèrent en chacun de nous.
Par ses toiles je prétend qu’il nous convoque à contempler nos attachements et confrontations à l’érogénéité du sensible, y compris par la provocation de quelque prose associative qui musicalise la langue de nos pensées désirantes.
Le caractère profondément ancré dans la matière sensible de son acte de peinture me paraît convoquer LIMAN hors de tout idéalisme ou de tout engagement socio-polico-culturo avant-gardiste, soumis aux modes éphémères du moment. Il nous appartient de détourner chacun de ses tableaux de leurs cours immobiles sous la lumière, pour les coucher dans le lit de nos fleuves pulsionnels auprès de notre rapport singulier sensuel et à la matière.
Pour conclure provisoirement je proposerai une dernière thèse, à l’inverse d’une supposée valeur symbolico-culturelle des tableaux qui témoigneraient d’un haut degré d’art et d’engagement à travers par exemple le déploiement du concept de sublimation que les tableaux de LIMAN incarnent, matérialisent, solidifient et condensent des éprouvés et excitations proprement sexuelles et polymorphes.
De là à proposer la formule de la peinture comme une production de liquides corporels il y a matière à penser…
En ce point nous situons LIMAN comme peintre SENSUALISTE …
Lacérations